Il battito del tempo

2016

Je suis le résultat de tous les pays par lesquels je suis passé et de toutes les rencontres que j’ai pu faire. – Josef Koudelka

« Nous sommes à la fois dans le temps et à ses frontières, devenant le mouvement énigmatique qui le constitue. Les photographies d’Ivana Boris semblent nous appeler, elles nous invitent à entrer dans un tourbillon magnétique, au sein duquel chaque trace du présent est en mouvement. Et face à ça, nous ne pouvons qu’être présents.
On se demande quelle expérience a pu amener l’artiste à sublimer la matière de ces images. Nous percevons dans ce processus un potentiel de transformation très puissant. Devant l’œuvre Le battement du temps, série de photographies prises dans les forêts du Kerala en Inde et dans le sud de la France, Alpes Maritimes et littorales, nous arrivons presque à percevoir l’élément de la nature, le mouvement des arbres, ce point de départ et d’attraction intime pour l’artiste. Il semble que la nature elle-même a répondu à l’impulsion créatrice d’Ivana Boris, en transformant ses éléments en pur mouvement. Nous sommes face à une énigme. L’œil se pose sur les traces légères du noir et blanc, et les images émergent tout en se cachant en face de nous. Nous sommes confrontés à un processus de création en devenir, nous sommes à la porte de l’infini, et nous nous sentons poussés par une force qui nous dépasse et nous appelle.
Cet équilibre délicat entre l’immobilité et le dynamisme, cette révélation nous pousse à modifier notre propre perception des choses, à avancer dans le monde avec un regard plus vigilant, conscient que même ce qui a l’apparence de l’immobile cache l’énigme du temps et du mouvement.
S’ouvrir à l’œuvre d’Ivana Boris, c’est renoncer à comprendre, observer le monde avec émerveillement et adopter une attitude de contemplation hypnotique. Alors, dans cet instant qui nous est offert, l’œuvre s’ouvre soudain au geste révélateur de l’être humain. Le fragment d’une image capturée sur une photographie analogique, dont la matérialité se voit sublimée dans le négatif, révèle l’énergie dynamique qui lie les êtres vivants au cosmos.
Du geste à la trace, cependant, il ne reste qu’une présence et un souvenir éphémère. Mais nous quitterons l’œuvre d’Ivana Boris avec le sentiment intime que le réel peut être lu et imaginé autrement. Nous donnerons une valeur renouvelée à nos gestes. Et ceux-ci, invisibles, attentifs, d’une densité aussi concrète que ces images, nous ramèneront au mouvement archaïque de l’univers et de l’humanité tout entière. »

Francesca Carol Rolla, 2016
docteur en art visuel, commissaire indépendante d’exposition d’art contemporaine

Texte extrait du catalogue de l’exposition personnelle : Stazione Zoologica Anton Dohrn, Naples, Italie, 2016